« O Maryam ! sois en oraison devant ton Seigneur ! Prosterne-toi et incline-toi avec ceux qui s’inclinent ! » (s. 3, 43).
Dans son « Commentaire sur la ‘Salutation angélique’ » (ar-Rāzī al-Tabaristani 1149-1209 - Tafsīr al-kabīr commentaire de s. 3,42-43) Rāzī se demande : s’agirait-il de la prosternation et de l’inclination qui caractérisent la prière des hommes dans la mosquée ? Il fait aussi l’hypothèse que ces mouvements correspondent à ceux de la prière juive et que Maryam est tellement prosternée que « ses pieds en furent enflés et qu’il en sortit du sang et du pus ». Beaucoup de musulmans ne partagent pas ces élucubrations. Le pus n’exprime pas la pureté. L’idée que la prière empêche de marcher (les pieds sont enflés et en sang) est à l’opposé de l’expérience biblique où Moïse (Moussa) mit en marche le peuple de l’Exode, et où Jésus (‘Issa) fit se lever un paralytique en disant « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » (Jn 5, 8). Enfin, la présence de Maryam parmi les hommes dans un lieu réservé aux hommes par la loi juive est étrange, invraisemblable, contraire à toute la symbolique de l’architecture du Temple où la différence visible entre le parvis des hommes et celui des femmes permet de comprendre la différence invisible entre Dieu qui révèle et l’humanité qui reçoit la révélation.
Libre penseur, Razî considère que les prophètes sont des imposteurs. Gnostique, il ne considère pas la création comme une grâce divine et il pense que la maternité (la procréation) provoque la chute dramatique d’une âme. Razî est donc porté à mépriser toute femme et Maryam en particulier.
Ceci étant dit, l’interprétation de cette sourate par Razî soulève une interrogation : Maryam est-elle vraiment l’image de la soumission au sens même du mot « islam » ? Est-elle soumise à Dieu à la manière des soldats de l’islam que Razî voyait à l’œuvre ? Ou bien s’agit-il de tout autre chose ?
Une mystique chrétienne fait ainsi parler la Vierge Marie :
« Dans la maison de Nazareth, je brûlais plus que jamais du désir que le Verbe descendit sur terre et je priais pour cela. […] La lumière qui m’envahissait était si puissante, mon humanité en était tellement embellie, elle était si totalement investie par ce Soleil du Vouloir Divin, que je ne pouvais que produire de célestes fleurs. Je sentais que le Ciel s’abaissait jusqu’à moi tandis que la terre de mon humanité s’élevait ; et le Ciel et la Terre s’embrassaient, se réconciliaient, s’échangeaient le baiser de Paix et d’Amour ; la Terre se préparait à produire le germe qui formerait le Juste, le Saint ; et le Ciel s’ouvrait pour faire descendre le Verbe dans ce germe. Je ne faisais que descendre de ma céleste Patrie et y remonter : je me jetais dans les bras de mon Père du Ciel et Lui disais de tout mon cœur : "Père saint, je n’en peux plus ! Je brûle. Et en me consumant, je sens en moi une force terrible qui veut m’anéantir. Je veux, avec les chaînes de mon amour, vous attacher pour vous désarmer afin que vous ne tardiez plus. Sur les ailes de mon Amour, je veux transporter le Verbe Divin du Ciel sur la terre". Et, vaincu par mes larmes et mes supplications, Dieu m’assura : "Ma fille, qui peut te résister ? Tu as gagné ! L’Heure divine est proche. Retourne sur la terre et continue d’agir avec la puissance de ma Volonté. Tous seront ébranlés, le Ciel et la Terre se donneront le baiser de paix" » [1].
[1] Luisa PICCARRETA, La Reine du Ciel dans le royaume de la Volonté divine sur la terre, Resiac, Montsûrs 2000, p. 84-86 (18° jour).